Verónica Ortega est une jeune vigneronne installée depuis un peu plus de 3 ans dans le Bierzo, dans le nord-ouest de l’Espagne. J’ai rencontré Verónica, étoile montante de la viticulture dans la région, un peu par hasard, lors d’une récente visite chez Raúl Pérez, un des plus grands œnologues d’Espagne, lui aussi installé à Valtuille de Abajo, dans la région de Castilla y Léon.

Verónica Ortega est originaire de Jérez de la Frontera en Andalousie, une région qui a une très longue tradition viticole. Mais Verónica ne vient pas d’une famille œuvrant dans le vin. Elle a dans un premier temps étudié la chimie, mais ne se voyait pas travailler toute sa vie dans un laboratoire. Elle a alors décidé d’étudier l’œnologie sans trop savoir où cela la mènerait. Son apprentissage l’a amené à travailler auprès de très grands producteurs et à parcourir de nombreuses régions viticoles comme le Priorat (Alvaro Palacios), la Bourgogne, en Beaune (Benjamin Leroux) et en Pommard (Domaine des Épeneaux), puis le Rhône en Crozes-Hermitage (Domaine Combier).
Ce que Verónica aime le plus dans le métier de vigneronne, c’est le travail en bodega. Si elle apprécie être dans ses vignes, c’est dans le chai qu’elle est le plus dans son élément, car c’est là qu’elle peut s’exprimer le plus et imprimer sa personnalité à ses vins. Sa philosophie est d’être la plus minimaliste possible dans le chai afin de laisser la vigne et le raisin s’exprimer.
Son objectif ? Chaque année, c’est de mieux comprendre la vigne, le terroir, et bien évidemment élaborer de meilleurs vins. Le plus important pour elle, c’est d’obtenir du bon raisin. Identifier de bonnes parcelles, être en mesure de les comprendre et élaborer un vin qui lui correspond. Être rigoureux dans le chai et surtout avoir un bon palais afin de bien goûter le vin. Et surtout savoir transmettre!
Ses défis ? Verónica est une jeune vigneronne. Comme elle le dit elle-même, elle débute à peine et elle est déjà en pleine croissance, ce qui n’est pas évident à gérer. Au quotidien, elle a besoin de plus d’espace, et à moyen terme, de mettre la main sur une plus grande quantité de raisins de qualité. Il s’agit de sa troisième année dans le Bierzo et elle commence seulement à bien connaître la zone.
Selon Verónica Ortega, le Bierzo est une région très intéressante à plusieurs égards. Tout d’abord, pour l’authenticité de ses vins. Ce sont des vins issus d’un cépage autochtone, le mencía, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs (à part en petite quantité en Ribeira Sacra en Galice, et dans le Dão au Portugal). Ce cépage s’est depuis le siècle dernier particulièrement bien adapté au sol et au climat du Bierzo. Verónica aime les vins issus de climats plutôt frais, qui selon elle, donnent des vins plus légers, plus élégants. Elle a donc trouvé dans le Bierzo un climat propice pour faire les vins qu’elle aime (le climat du Bierzo est à la fois marqué par des influences continentales et océaniques).
Un autre aspect intéressant du Bierzo relevé par Verónica est son important passé viticole. Les Romains puis les moines catholiques ont fait du vin dans la région depuis des siècles. Il y a beaucoup de vieilles vignes, car le vin a toujours fait partie de la vie et de l’économie locale. Cela s’est transmis de génération en génération et on trouve aujourd’hui une quantité infinie de petites parcelles. « On n’a pas arraché ici », commente Verónica . « Commercialement, le Bierzo est aussi très intéressant. Quand je suis arrivée ici, il y avait déjà de très bons producteurs, mais dorénavant la réputation des vins de Bierzo ne fait plus de doute et les projecteurs se tournent vers nous. Beaucoup de producteurs aujourd’hui aimeraient avoir un Bierzo dans leur portfolio ». Quand Verónica a débuté dans le coin, elle devait expliquer à la plupart où se trouvait Bierzo, alors qu’aujourd’hui, en seulement quelques années, tout le monde connaît la région.
« On a la chance d’avoir une très grande variété de sols, c’est une richesse. Cela donne une singularité et une diversité très importante dans nos vins ». Les vignes sur lesquelles travaille Verónica Ortega sont en agriculture biologique. Verónica aimerait un jour travailler en biodynamie. D’ailleurs, tous les producteurs pour lesquels elle a travaillé auparavant pratiquaient la biodynamie. « Nos grands-parents observaient la nature et s’adaptaient à elle, ils n’utilisaient pas de produits chimiques. Je suis donc en faveur d’apporter le plus de soin possible à la plante de la façon la plus naturelle qui soit. Je suis convaincue et très à l’aise avec la biodynamie. J’ai vu l’évolution que ça a donné sur plusieurs années au niveau de la santé de la vigne, qui devient plus vigoureuse et résistante aux maladies ». Ceci étant dit, Verónica est consciente que cela requiert beaucoup d’observation et surtout énormément de travail.
Pour le moment. Verónica Ortega élabore deux cuvées de mencía : Quite et Roc. Pour Quite, elle se procure le raisin de différents viticulteurs. Le vin est élevé pour moitié en barrique (8 mois), et moitié en amphore, afin de lui conserver une certaine fraîcheur. Son autre cuvée Roc se veut plus un vin de garde. Issu d’une seule parcelle de vieilles vignes sur des sols sablonneux (à peine un hectare), le raisin est fermenté puis élevé en barrique de chêne pour un peu plus de 12 mois. En 2014, la production de Quite a atteint 15 000 bouteilles, celle du Roc 4500 bouteilles. J’ai eu la chance de goûter aux deux cuvées de Verónica, et ce sont deux superbes vins. Quite est un vin sur la fraîcheur, très facile à boire, et doté d’une certaine élégance. Roc est un vin avec beaucoup de corps, des notes de cuir et de menthe, et une structure tannique qui lui permettra de vieillir en beauté. C’est encore un bébé. Définitivement un vin de garde.
Cette année, Verónica Ortega va ajouter deux vins blancs à son portfolio. « Dans le Bierzo, on trouve très peu godello (la Galice voisine est le principal producteur de ce cépage). J’ai trouvé deux fincas qui en cultivent, et les deux sont intéressantes, car chacune a ses caractéristiques propres. La première a des très vieilles vignes de 110 ans sur des sols argilo-sableux. La seconde, des vignes d’une quarantaine d’années, mais sur des sols très calcaires, ce qui est assez atypique en Bierzo et qui apportera un côté minéral au vin. C’est pourquoi j’ai décidé de faire deux cuvées différentes. Les cuvées seront vinifiées une partie en barrique, et l’autre en amphore ».
Verónica m’a confié qu’un jour, elle aimerait faire du vin en Andalousie, dont elle est originaire : « Les vins de Jérez sont un trésor du patrimoine viticole espagnol. Chaque fois que je ramène un cadeau, je choisis un xéres, car tout amateur de vin ne peut rester indifférent à ce vin. Un jour j’aimerais faire un solera ».
Si vous êtes de passage en Castille, une visite par Valtuille de Abajo est un incontournable pour découvrir les vins du Bierzo. N’hésitez pas à contacter Verónica Ortega pour qu’elle vous parle de sa nouvelle terre d’adoption. Vous pouvez rejoindre Verónica via twitter : https://twitter.com/veronicaortegac.
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