Pascal Verhaeghe dirige avec son frère Jean-Marc le Château du Cèdre, un vignoble de 27 hectares dans la région de Cahors, où le cépage malbec est roi. Jean-Marc s’occupe de la vigne alors que Pascal est responsable de la vinification. Vino2travel s’est entretenu avec Pascal, qui était récemment de passage à Montréal.
VINO2TRAVEL – Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir vigneron et quel a été votre parcours ?
Pascal Verhaeghe – Je suis fils de vigneron à Cahors, une région où quand j’étais petit, c’était un peu la misère… On était alors qu’aux premiers pas du renouveau du vignoble. Avec mon frère, on aidait souvent nos parents à planter les vignes. On travaillait dans les cailloux sous la chaleur, et franchement, à ce moment-là, je m’étais dit que vigneron ce n’était pas tellement rigolo. Ça marchait plutôt bien pour moi à l’école. Je faisais des maths, de la physique et je me destinais donc plutôt à faire des études. De plus, ma mère ne voulait pas qu’on devienne vigneron, elle voulait qu’on fasse des études pour avoir un vrai métier en ville. Un peu par hasard en 1980, quand j’avais 20 ans, j’ai rencontré Jean-Marie Guffens en Bourgogne, du Domaine Guffens-Heynen. Je devais le rencontrer deux heures et finalement, je suis resté deux jours chez lui à goûter plein de vins et ça a été un déclic pour moi. Le vin, ce n’était pas que du travail physique dans la vigne, c’était aussi du plaisir, une passion, et du jour au lendemain, j’ai arrêté les maths et la physique pour entreprendre des études en œnologie.
V2T – Qu’aimez-vous dans le métier de vigneron ?
P.V. – Le fait de travailler sur des vins qu’on va élever pendant de longs mois. Le fait que ça recommence tous les ans et qu’il n’y a jamais un millésime qui soit le même. Quand un nouveau millésime arrive, j’ai toujours envie de changer quelque chose. Je suis un fanatique de vin, d’où qu’il vienne, pourvu qu’il soit bon, c’est devenu vraiment une passion
V2T – Si vous n’aviez pas été vigneron, quel métier auriez-vous exercé ?
P.V. – Plus jeune, j’étais passionné de moto. Ça m’aurait bien plus de devenir professionnel. Il n’y a pas beaucoup de rapport entre la vitesse et le vin, où on travaille toujours doucement, pour s’inscrire dans la durée. Quand j’étais jeune, j’avais tout le temps envie d’aller vite et le vin c’est tout le contraire, on travaille toujours pour le lendemain.
V2T – Qu’est-ce qui distingue Cahors d’autres régions viticoles ?
P.V. – Il y a une spécificité assez unique qui a trait au cépage : le malbec. Ce cépage, c’est quelque chose qui m’a poussé à revenir faire du vin dans ma région natale. J’ai travaillé en Bourgogne pendant 5 ans, puis aux États-Unis pendant 2 ans et demi. Je suis revenu à Cahors quand mon père était malade, en ayant toujours cru au potentiel de notre région. Avant la crise du phylloxéra, Cahors était une région où les terres se vendaient plus cher que dans le Bordelais, et où plus de 60% du vin était exporté. Je ne pouvais pas concevoir 200 ans après qu’on ne puisse pas y refaire de très bons vins. Pour moi, ce fut un vrai défi de participer au renouveau viticole de la région.
V2T – Selon vous, quelle est la principale qualité que devrait avoir un vigneron ?
P.V. – L’humilité. Mais aussi de toujours s’inscrire dans la durée. Pour moi, un grand vin, c’est d’abord un vin de garde, c’est-à-dire un vin qui va s’améliorer avec le temps. Un vigneron doit savoir aller dans la vigne, l’écouter, mettre ses sols en vie. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a décidé de se tourner très tôt vers l’agriculture biologique.
V2T – Quel est votre plus grand défi en tant que vigneron ?
P.V. – Essayer de comprendre et de s’adapter le plus possible aux qualités de raisin qu’on récolte, c’est pourquoi on essaie au domaine depuis 6-7 ans d’être le moins interventionniste possible. Aujourd’hui, on fait du vin avec beaucoup plus de liberté. Avant, on était plus dans l’œnologie. Pour moi, c’est le vin qui commande. Le vigneron doit s’adapter à la matière première qu’il a à sa disposition. Cela ne devrait jamais être le contraire.
V2T – Quels conseils auriez-vous à donner aux jeunes qui se lancent dans le métier ?
P.V. – D’abord, de rencontrer beaucoup de vignerons. Ensuite, de beaucoup goûter. Surtout, de rester très humble. Ce n’est pas parce qu’on a réussi un vin un millésime qu’on a tout compris au métier. Je m’aperçois que tous les ans j’apprends encore beaucoup de choses. La principale qualité pour un vigneron, c’est de savoir qu’on peut toujours s’améliorer.
V2T – Que pensez-vous de l’agriculture en biodynamie ?
P.V. – On n’est pas labélisé en biodynamie, mais on l’utilise néanmoins beaucoup. On n’a encore jamais revendiqué ce statut et on ne fait pas tout en biodynamie, parce que souvent, ce n’est possible qu’avec de toutes petites superficies. En revanche, on s’en rapproche le plus possible. Il y a 15 ans, les partisans de la biodynamie, on les prenait un peu pour des fous. Au début, ça semblait même plutôt sectaire. Et puis petit à petit cela a beaucoup évolué et on s’est aperçu qu’il y a tout de même pas mal de choses qui fonctionnent relativement bien, même si, bien souvent, on ne sait pas les expliquer. Dans la pratique, on constate que les vignes se portent mieux, que les raisins sont de meilleure qualité, qu’on arrive à avoir des maturités phénoliques avec des degrés d’alcool un peu moins important, qu’on a moins de pieds qui meurent tous les ans, etc. Bref, tout un tas de petites choses qui nous disent qu’on est dans la bonne voie. Pour la petite histoire, on est parti dans l’agriculture biologique dès 1992, parce qu’on a appris que notre père était tombé malade à cause des produits chimiques. On s’est alors dit qu’il fallait absolument travailler différemment. Aujourd’hui, parmi tous ceux qui travaillent chez nous dans les vignes, personne ne voudrait revenir à l’époque ou on utilisait des produits chimiques.
V2T – Les changements climatiques sont-ils une préoccupation des vignerons du Sud-Ouest ? Est-ce que cela a des répercussions sur votre travail ?
P.V. – Un petit peu… Aujourd’hui, j’irais jusqu’à dire qu’on sent un impact positif. Je parle pour la vigne évidemment, parce qu’après au niveau global, évidemment, c’est autre chose. On a moins de différences d’un millésime à l’autre depuis quelques années. Est-ce vraiment lié au réchauffement climatique? Je pense que personne ne le sait parce qu’il y a déjà eu des cycles comme ça par le passé, dans les années 30 et 40 notamment, où on a eu des années très chaudes… En tout cas, ça nous permet d’avoir des millésimes plus réguliers… Après, il ne faut pas que ça aille trop loin, sinon il va falloir planter des grenaches! Ou comme une partie de ma famille est originaire de Belgique, on va aller planter des vignes là-bas!
V2T – Parmi vos vins, lequel a votre préférence et pourquoi ?
P.V. – La cuvée Château du cèdre, parce que c’est la cuvée pour tout le monde. Ma philosophie, c’est de faire un vin de très bonne qualité, que les gens peuvent boire maintenant comme garder 10-15 ans. J’aime l’idée d’un bon vin accessible à tous, qui soit disponible en grande quantité.
V2T – Quel est le plus beau souvenir d’un vin auquel vous ayez goûté ?
P.V. – Pour moi, il y a un vin blanc italien un peu mythique qui s’appelle Massa Vecchia, qui est produit en Toscane. C’est un petit vignoble qui fait des vins blancs un peu comme des vins rouges, avec beaucoup de macération, et qui plus est, en biodynamie. La première fois que je l’ai goûté, j’avais adoré. D’ailleurs, l’endroit est magnifique. Depuis j’y goûte de nouveau tous les ans, mais c’est tout un défi de s’en procurer!
P.V. – Pouvez-vous citer quelques vignerons dont vous admirez le travail ?
P.V. – Sans hésiter, je dirais Jean-Marie Guffens en Bourgogne qui m’a transmis la passion du vin. C’est une des personnes qui a été la plus importante dans ma vie, parce que c’est lui qui m’a sorti des maths pour aller vers le métier de vigneron!
V2T – Si on vous donnait le choix de vous installer n’importe où sur la planète, ailleurs que dans le Sud-Ouest pour faire du vin, où iriez-vous ?
P.V. – J’aimerais beaucoup faire des vins sur quelques parcelles de Bourgogne. Malheureusement, le prix du foncier y est beaucoup trop élevé! Si je pouvais avoir un ou deux hectares à vinifier en Bourgogne, ça me plairait beaucoup de voir ce que ça peut donner.
V2T – Quelques suggestions de plats qui se marient bien avec vos vins ?
P.V. – Pour tout ce qui est viandes rouges, du canard (confit comme magret) ou de l’agneau. Quand les vins sont un peu plus vieux, du gibier, des plats en sauce, et tous les plats à base de truffe.
V2T – Une bonne table à suggérer près du domaine ?
P.V. – Sans hésiter, le restaurant Le Gindreau à St-Médard. C’est un resto un peu historique chez nous, qui est étoilé depuis 20 ans. Le chef propriétaire a vendu il y a deux ans et c’est un autre chef, Pascal Bardet, qui s’est installé. Pascal a travaillé chez Ducasse, qui l’a remarqué à l’âge de 17 ans. Il a par la suite été chef pendant 5 ans au Louis XV à Monaco, un trois étoiles. Il a un talent incroyable, c’est un très grand chef.
Site web du producteur : http://www.chateauducedre.com/
Agence d’importation privée au Québec : Le Maître de Chai
Bel article!
Vous pouvez suivre l’actu du Cèdre sur leur blog:
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